JANVIER 2025 -
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Le béton précontraint

À l’instar de la pierre naturelle, le béton est un matériau très résistant aux efforts de compression, mais il présente une faiblesse notable aux efforts de traction. Pour remédier à cette limitation, le béton armé a été développé au XIXᵉ siècle (voir fiche « béton armé »). Dans cette technique, des armatures ou des treillis d’acier sont intégrés dans le béton pour compenser sa faible résistance à la traction. Cette innovation a permis de concevoir des structures plus solides et durables. Toutefois, pour aller encore plus loin dans l’optimisation des performances mécaniques, le célèbre ingénieur français Eugène Freyssinet a inventé le béton précontraint, dont il a déposé le premier brevet en 1928. Cette technique révolutionnaire consiste à comprimer le béton avant qu’il ne subisse les charges d’exploitation – d’où le terme « précontrainte ». Ces forces de compression initiales sont générées par des câbles ou des tirants d'acier tendus, qui compensent les efforts de traction auxquels le béton pourrait être exposé lors de l'utilisation de l'ouvrage. Les câbles sont tendus soit avant le coulage du béton (pré-tension), soit après son durcissement (post-tension). 

Ce procédé confère au béton précontraint une capacité exceptionnelle à supporter de lourdes charges, à franchir de grandes portées ou à réduire les dimensions et le poids des structures. 

Domaines d’application

Le béton précontraint se distingue par sa capacité à franchir de grandes portées, à supporter des charges importantes et à offrir une durabilité exceptionnelle. Grâce à ces caractéristiques, il s’impose comme un matériau de choix pour les ouvrages où la robustesse, l’économie de matière, la performance mécanique ou la qualité architecturale sont des priorités. 

 Les principaux domaines d’application sont les suivants : 

  • Bâtiment :

    • Planchers alvéolaires, poutres, dalles et poteaux. Réalisés sur place ou préfabriqués en usine. Utilisés pour réduire la hauteur des structures en augmentant leur résistance, ou à dégager de grandes portées libres. 
    • Façades préfabriquées.
  • Génie civil :

    • Ponts et viaducs (tabliers, poutres, voussoirs, ...).
    • Ouvrages maritimes et industriels (jetées, quais, ...).
    • Tunnels, murs de soutènement et fondations spécifiques.
    • Structures porteuses à grandes portées ou fortes charges (stades, ...)
    • Réservoirs et silos soumis à des pressions internes importantes.
    • Enceintes de centrales nucléaires
    • Traverses de voies ferroviaires
  • Rénovation et réparation : 

    • Renforcement de structures existantes - généralement des ouvrages d’art – par de la précontrainte additionnelle pour augmenter leur capacité portante ou prolonger leur durée de vie

 

Les avantages du béton précontraint

Pour le concepteur de l’ouvrage

Le béton précontraint permet de franchir des portées importantes et, à portée donnée, de réduire les sections des éléments structurels en comparaison du béton armé.  Cela permet de concevoir des structures élancées, légères et/ou esthétiquement remarquables. Grâce à ses performances mécaniques élevées, le béton précontraint répond aux exigences des ouvrages soumis à de lourdes charges, à des contraintes sismiques, ou à des environnements agressifs comme les zones marines ou industrielles. En éliminant ou en réduisant les fissures dues aux efforts de traction, il garantit également une meilleure durabilité et une longévité accrue des structures.

Pour le maître d’ouvrage ou l’exploitant

Grâce à ses excellentes caractéristiques mécaniques, le béton précontraint permet d’atteindre des portées importantes. En génie civil, cela permet de limiter le nombre d’appuis des ouvrages d’art ou de franchir des obstacles d’une traite. En bâtiment, la précontrainte permet de limiter la quantité de poteaux, libérant de la surface utile tout en diminuant l’épaisseur des planchers. Grâce à l’optimisation des quantités de matériaux nécessaires, elle améliore l’empreinte carbone des projets. Par ailleurs, sa durabilité intrinsèque réduit les coûts d’entretien et prolonge la durée de vie des ouvrages, ce qui en fait une solution économique à long terme.

Pour le constructeur/applicateur 

Lorsqu’il est utilisé sur le chantier sous forme d’éléments préfabriqués, le béton précontraint permet de réduire considérablement les délais de chantier, simplifiant la mise en œuvre en limitant les interventions aux étapes de levage et d’assemblage. La fabrication sur site des éléments constitue en revanche une opération complexe nécessitant l’intervention d’une entreprise spécialisée (voir rubrique « mise en œuvre » ci-dessous). 

Mise en œuvre (recommandations, limites, précautions …)

La mise en œuvre du béton précontraint est une opération technique et exigeante, dont la qualité conditionne la durabilité et les performances des ouvrages. Elle peut être réalisée selon deux principales méthodes :

  • La pré-tension : La fabrication d’un élément en béton précontraint par pré-tension se fait sur un banc de traction. Les câbles d’acier sont tendus à l’aide de vérins hydrauliques, puis le béton est coulé autour. Une fois le béton durci, les câbles sont relâchés, comprimant le béton. L’élément est ensuite démoulé et prêt à être utilisé. Généralement, la précontrainte par pré-tension est utilisé dans des usines où les éléments sont préfabriqués en série (dalles alvéolaires, poutres, poteaux, ...)
  • La post-tension : A l’inverse de la méthode par pré-tension, la fabrication d’un élément en béton précontraint par post-tension commence par le coulage du béton autour de gaines contenant des câbles non tendus. Une fois le béton durci, les câbles sont tendus à l’aide de vérins hydrauliques, puis ancrés pour transmettre une compression au béton. Enfin, les gaines sont généralement injectées avec du coulis pour protéger les câbles de la corrosion. La précontrainte par post-tension est mise en œuvre sur chantier, pour des ouvrages complexes ou uniques nécessitant de grandes portées ou des résistances très élevées (ouvrages de génie civil, réservoirs, ouvrages industriels...). Pour rappel, l’utilisation de la précontrainte par post-tension requiert d’être anticipée en amont du projet.

        Parmi les différents cas de post-tension, on peut distinguer :

  • la post-tension par précontrainte intérieure avec adhérence (gaines injectées de coulis) ou sans adhérence (torons gainés graissés) ;
  • la post-tension par précontrainte extérieure qui consiste à utiliser des « déviateurs », pour imposer le cheminement de la précontrainte sous forme d’une succession de segments rectilignes appropriés au fonctionnement de l’ouvrage ;
  • la post-tension extradossée, utilisée essentiellement en réparation, et qui consiste à faire sortir les câbles de précontrainte du béton pour optimiser le fonctionnement mécanique de cette précontrainte.

 

Dans le cas de la post-tension, la mise en tension des câbles nécessite l’intervention d’une entreprise spécialisée maîtrisant les techniques précises de mise en tension et d’ancrage. Cette étape doit être réalisée selon des procédures rigoureusement conformes aux normes applicables pour garantir la sécurité et l’efficacité de l’ouvrage. Toute erreur dans la mise en tension pourrait compromettre la répartition des efforts et la durabilité de la structure.

 

La mise en œuvre de la précontrainte additionnelle pour le renforcement de structures existantes en béton suit une méthodologie bien spécifique. La précontrainte additionnelle consiste à introduire des câbles ou torons dans une structure existante afin de compenser des défauts de conception, le vieillissement ou les défaillances de l’ouvrage, des efforts supplémentaires ou des modifications d’utilisation. Elle recomprime les zones tendues sans surcharger les zones déjà comprimées, améliorant ainsi la durabilité ou renforçant des ouvrages en béton, notamment ceux dont les câbles sont endommagés par la corrosion. Cette technique permet aussi d’augmenter la capacité structurale pour faire face à de nouvelles charges ou trafics. Applicable aux structures en béton armé ou précontraint, elle est généralement mise en œuvre par des câbles fixés à l’extérieur de la structure protégés par des gaines injectées, ou plus simplement avec des torons graissés tendus individuellement par de petits vérins.

 

Normes et référentiels de mise en œuvre applicables (toujours employer la norme en vigueur)

  • NF EN 13670 « Exécution des structures en béton ». Texte de référence européen et son complément national
  • Pour le bâtiment : DTU 21 (NF P 18- 201) « Exécution des ouvrages en béton ». 
  • Pour le génie civil : Fascicule 65 « Exécution des ouvrages de génie civil en béton ».
  • Pour le renforcement d’ouvrages : Guide Fabem 8 (édition du STRRES) « Réparation et renforcement par précontrainte additionnelle ».

Entretien

Le béton précontraint, présente une durabilité exceptionnelle. Toutefois, l’entretien reste crucial pour garantir la longévité et la sécurité des ouvrages, notamment dans des environnements exposés à des agressions mécaniques, chimiques ou climatiques.

L’un des aspects importants de l’entretien des structures en béton précontraint - par pré-tension ou par post-tension adhérente - réside dans le fait que les câbles de précontrainte sont intégrés dans le béton ou le coulis, et ne sont pas directement accessibles une fois l’ouvrage réalisé. C’est pourquoi il est essentiel de prévenir toute dégradation pouvant atteindre ces câbles, notamment la corrosion, par des protections optimisées. 

Données techniques

Composition 

Le béton utilisé pour les structures précontraintes reprend la composition classique d’un béton – ciment, granulats, eau – à laquelle s’ajoutent généralement des adjuvants et des additions. Le béton est toutefois spécialement formulé pour répondre aux exigences mécaniques de la précontrainte et de la durabilité de l’ouvrage considéré. On recherche généralement à atteindre une forte résistance au jeune âge. 

Le béton peut intégrer ou non des armatures passives, mais la spécificité du béton précontraint tient dans les armatures de précontrainte. Elles se déclinent en plusieurs types en fonction de leur composition et de leur usage spécifique : 

  • Le toron : il s’agit d’une armature composée de plusieurs fils d’acier de haute résistance enroulés en spirale. Enveloppé par une gaine, le toron est l’armature la plus couramment utilisée pour la précontrainte, en raison de sa grande résistance et de sa flexibilité. Plusieurs torons peuvent être regroupés dans une gaine commune pour former un câble de très grande capacité.
  • La barre de précontrainte : cette armature rigide est souvent utilisée dans des applications spécifiques - structures provisoires, ancrages de pieux ou renforcements localisés. Contrairement au toron, elle ne nécessite pas de gaine de protection

Dans le cas de la précontrainte par post-tension, les torons ou fils formant des câbles sont enveloppés d’une gaine de protection. Celle-ci peut être injectée soit avec un coulis de ciment (précontrainte adhérente) soit avec de la graisse ou de la cire (précontrainte non adhérente) afin de protéger les câbles de la corrosion. 

Enfin, une structure en béton précontraint est munie d’un système d’ancrage, généralement des platines d’acier. Ce dispositif, situé à l’extrémité du câble ou de la barre, est destiné à transférer l’effort de traction du câble sur son appui, et donc à comprimer le béton.Si le béton désactivé est, à l’instar d’un béton traditionnel, composé d’un mélange de ciment, de granulats, d’eau et d’éventuels adjuvants, il se distingue par sa forte proportion de gravillons (1100 à 1350 kg/m3). Ces derniers étant apparents en surface, du choix de leur forme, de leur dimension et de leur couleur dépendent le type et la qualité du rendu de l’ouvrage fini. La couleur de la pâte cimentaire (grise, blanche, noire...) influe également sur l’aspect visuel du béton désactivé. La conformité de la formulation à la norme NF EN 206+A2/CN est recommandée pour garantir la pérennité de l’ouvrage. 

Normes sur les matériaux :

  • NF EN 206+A2/CN « Béton - Spécification, performances, production et conformité ». Cette norme s’applique à tous les bétons de structure (dont les bétons précontraints) pour le bâtiment et les ouvrages de génie civil.
  • + Voir les autres normes de la Fiche « béton armé »

Normes spécifiques aux câbles et armatures de précontrainte :

  • Référentiel de l’« ASsociation pour la Qualification de la Précontrainte et des Equipements des ouvrages de bâtiment et de génie civil », l’ASQPE (www.asqpe.fr), organisme indépendant de certification dans le domaine des armatures et des procédés de précontrainte, reconnu par les autorités françaises et européennes.
  • NF EN 10080 : Aciers pour armatures de béton, applicable aussi aux armatures complémentaires dans les structures précontraintes.

Norme et référentiel pour les coulis d'injection des gaines :

  • NF EN 447 : Spécifications pour les coulis de précontrainte.
  • EAD160027 -00-0301 Special Filling Products for Post-Tensioning Kits

Norme et référentiel pour les kits de précontrainte :

  • EAD 160004-00-301 Post-Tensioning Kits for Prestressing of Structures

 

 

Options applicables

  • Ciment dit « bas carbone »

  • Ciment gris ou blanc

  • Teinte dans la masse avec des pigments de différentes couleurs. Les pigments doivent être conformes à la norme NF EN 12878

Exemples de réalisations récentes

Bâtiment

Génie civil

Bibliographie

Principe de la précontrainte en vidéo

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