AVRIL 2018 -
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Prévention des phénomènes de corrosion des armatures en acier dans le béton

Dans des conditions normales, les armatures enrobées d’un béton compact et non fissuré sont protégées naturellement des risques de corrosion par un phénomène de passivation qui résulte de la création, à la surface de l’acier, d’une pellicule protectrice Fe2O3CaO, dite de passivation.

Cette pellicule est formée par l’action de la chaux libérée par les silicates de calcium sur l’oxyde de fer. La présence de chaux maintient la basicité du milieu entourant les armatures (l’hydratation du ciment produit une solution interstitielle basique de pH élevé de l’ordre de 12 à 13). Les armatures sont protégées tant qu’elles se trouvent dans un milieu présentant un pH compris entre 9 et 13,5.

Deux principaux phénomènes peuvent, dans certaines conditions, détruire cette protection et initier la corrosion des armatures en acier :

  • la carbonatation du béton d’enrobage par l’adsorption du gaz carbonique contenu dans l’atmosphère;
  • la pénétration des ions chlorures jusqu’au niveau des armatures. 

Le diagnostic des ouvrages affectés par une détérioration du béton d’enrobage recouvrant les armatures révèle que les dommages sont dus, dans la grande majorité des cas, à une épaisseur d’enrobage trop mince et/ou à un béton d’enrobage trop poreux et pas assez résistant.

La plus ou moins grande rapidité d’action de ces phénomènes est  fonction de l’humidité ambiante, de la porosité du béton et de la présence de fissures qui favorisent la diffusion des gaz ou des liquides agressifs.

Carbonatation du béton : un phénomène naturel, mais

La carbonatation du béton par le gaz carbonique de l’air (CO2) est un phénomène naturel qui n’est pas nocif pour le béton. Au cours de la prise et du durcissement, les ciments se combinent avec l’eau pour former des produits hydratés de caractère basique. Certains de ces produits [KOH, NaOH et Ca(OH)2] restent dissous dans la solution aqueuse interstitielle du béton (dont le pH est compris entre 12 et 13). Le gaz carbonique contenu dans l’air a tendance à se combiner avec les produits hydratés, en commençant par les bases alcalines dissoutes dans la solution aqueuse interstitielle, en particulier le Ca(OH)2, selon une réaction produisant du carbonate de calcium CaCO3 :

Ca (OH)2 + CO2 + H2O CaCO3 + 2H2O

Le milieu basique (pH 12 à 13) se trouve progressivement modifié par la neutralisation de l’alcalinité du ciment pour atteindre un pH de l’ordre de 9, n’assurant alors plus la protection des armatures et entraînant une dépassivation de l’acier. Cette destruction de la couche de passivation développe une réaction d’oxydation à la surface des armatures.

La progression de la carbonatation se fait de l’extérieur de l’ouvrage, en contact avec l’air ambiant, vers l’intérieur. 

  • Dans un premier temps, la vitesse de propagation est ralentie par la formation des carbonates qui colmatent partiellement la porosité. Elle diminue donc avec la profondeur atteinte.
  • Dans un second temps, la carbonatation a pour conséquence une neutralisation (chute du pH de la solution interstitielle) du milieu de protection des armatures, qui peuvent alors s’oxyder.

La cinétique du processus dépend de la teneur en dioxyde de carbone et de la facilité avec laquelle le gaz carbonique pénètre dans les pores du béton.

Cette progression est fonction de paramètres liés aux caractéristiques de la composition du béton (nature et dosage du ciment, dosage en eau) de sa porosité, de sa perméabilité et de sa classe d'exposition par rapport au milieu environnant.

La cinétique et la profondeur de carbonatation dépendent aussi de l’humidité relative dans laquelle est situé l’ouvrage, de la concentration en CO2 et de la température de l’atmosphère environnant : la vitesse de carbonatation est maximale pour une humidité relative de l'air de l’ordre de 60 %, pratiquement nulle en atmosphère sèche ou pour des bétons complètement saturés en eau.

Pour un béton courant, l’épaisseur de la couche carbonatée augmente proportionnellement à la racine carrée du temps.

La porosité totale du béton et la distribution de la taille des pores sont les paramètres déterminants pour la diffusivité du CO2. De nombreuses études ont démontré que la migration du dioxyde de carbone à travers la texture poreuse du béton est significativement réduite lorsque la compacité du béton d’enrobage est augmentée. L’augmentation de la compacité est obtenue en particulier en réduisant le rapport E/C. Ce rapport conditionne la perméabilité du béton, donc l’interconnexion du réseau poreux et par conséquent, la vitesse ainsi que la possibilité de diffusion des gaz et des ions dans le béton.

Une cure prolongée permet d’augmenter la résistance du béton à la pénétration du CO2 en améliorant les propriétés de surface du béton.

Plus le béton est compact, le dosage en ciment élevé, le rapport eau/ciment faible et la résistance du béton élevée, plus la progression du front de carbonatation est lente : tout ce qui conduit à diminuer la porosité du béton retarde l’échéance de dépassivation des armatures. 

L'action des chlorures : spécifique à certains environnements

L’action des chlorures est spécifique à certains environnements dans lesquels peut se trouver le béton, comme les ouvrages soumis aux sels de déverglaçage ou situés en site maritime (zone de marnage, surfaces soumises aux embruns). 

Les ions chlorures peuvent pénétrer par diffusion ou migrer par capillarité à l’intérieur du béton, franchir la zone d’enrobage, atteindre les armatures, et provoquer des corrosions (par mécanisme de dissolution du métal suivant une réaction d’oxydoréduction: métal ions métal Mn+ + n électrons), d’abord ponctuelle (corrosion par piqûres) puis généralisée à toute la surface de l’acier. La vitesse de pénétration des chlorures dépend aussi de la porosité du béton. Elle décroît lorsque le rapport eau/ciment diminue.

La corrosion s’amorce dès que la teneur en chlorures au niveau des armatures atteint un certain seuil de dépassivation. Ce seuil est fonction du pH de la solution interstitielle et de la teneur en oxygène au niveau des armatures ; il est de l’ordre de 0,4 à 0,5 % par rapport au poids du ciment. Il est atteint plus rapidement si le béton est carbonaté.

Effets de la corrosion des armatures sur le béton

Le développement de la corrosion des armatures peut provoquer par gonflement une poussée sur le béton d’enrobage (les oxydes de fer étant plus volumineux que l’acier, ils génèrent des contraintes internes dans le béton qui peuvent être supérieures à sa résistance en traction) et donc une altération de l’aspect extérieur de l’ouvrage (éclatements localisés, formations de fissures, formations d’épaufrures, apparitions en surface de traces de rouille et éventuellement mise à nu des armatures) entraînant une réduction de la section efficace de l’armature et de son adhérence au béton. 

En règle générale, dans des milieux peu agressifs les enrobages et les caractéristiques des bétons (compacité, homogénéité, résistance) préconisés sont suffisants pour garantir la protection naturelle des aciers durant la durée de service escomptée de l’ouvrage. Toutefois, des défauts d’enrobage, des bétons mal vibrés et de ce fait trop poreux, ou des milieux très agressifs, risquent de conduire à une dégradation prématurée de l’armature en acier.

L’optimisation des performances du béton et de l’enrobage des armatures constitue un facteur de progrès essentiel pour assurer la durabilité des ouvrages.

Commentaires 19

L'équipe Infociments le 18/12/2023

Bonjour @Vincent,

Dixit notre spécialiste : Le phénomène est complexe et ne saurait se limiter à l’expression « le ciment attaque le bois ». Tout d’abord, dans le domaine du bâtiment, plusieurs sources recommandent fortement d’isoler le bois du béton (ou ciment) coulé en place par l’interposition d’un film plastique ou d’un néoprène afin d’empêcher le contact et les phénomènes de lixiviation. De façon générale et en simplifiant, le bois n’aime pas l’eau et les agents qu’elle véhicule. Ainsi, dès lors que l’on ne vise pas la mixité structurelle par une collaboration étroite des deux matériaux, il convient de les isoler.
D’un point de vue chimique, plusieurs travaux - dont des thèses - montrent que le milieu cimentaire (alcalin) peut provoquer une hydrolyse alcaline des polysaccharides et une solubilisation partielle des parties amorphes de la cellulose (dégradation des hémicelluloses). La durée de lixiviation va conditionner la précipitation de la portlandite : la conséquence première est le retard de prise du ciment ; une perte de masse du bois peut survenir également.
En vous souhaitant une bonne continuation, bien à vous, l'équipe Infociments
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Vincent le 04/12/2023

Bonjour, je restaure un bâtiment en structure chêne massif ancien. Parfois, j'ai des rebouchement ou calage à faire. Je les fais en béton, parfois armé ( en doublage de poutre par exemple). J'ai une refléxion de mon architecte me disant que le "ciment attaque" le bois ?? Certes, il ne faut pas laisser un bois encastré dans du béton ou du mortier, surtout avec des risques d'humidité. Mais le "ciment" attaque t'il le bois ?
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L'équipe Infociments le 18/09/2023

Bonjour @LH,
Effectivement, l’application d’un produit de passivation peut être nécessaire si les conditions de stockage ne permettent effectivement pas de protéger les sections d’armatures apparentes (exposition à l’humidité, …). Bien à vous, L'Equipe Infociments
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L'équipe Infociments le 18/09/2023

Bonjour @Loisel,
Il convient d’être vigilant sur la nature des cales de ferraillage à employer ; si celles-ci sont de nature métallique, elles peuvent constituer des « points d’entrée » potentiels, au risque d’accélérer la diffusion des chlorures, la corrosion des armatures et fragiliser la dalle. Bien à vous, L'Equipe Infociments
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