AVRIL 2025 -
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La Métropolitaine, des programmes imbriqués

La Métropolitaine propose des logements traversants offrant à leurs habitants de multiples scénarios d’appropriation des espaces et d’occupation saisonnière.

Le secteur de l’avenue de la Porte-de-Clichy a longtemps constitué une zone urbaine délaissée entre Paris et Clichy. Le nouveau Tribunal de Paris, ouvert au public en 2018, et la Maison de l’ordre des avocats, mise en service en 2020, métamorphosent le site, par leur présence. La création de la station « Porte de Clichy-Tribunal de Paris », à l’occasion du prolongement de la ligne 14 du métro, participe au renouveau de ce lieu, qui a aussi pour vocation, par son aménagement, de créer un lien entre Paris et sa banlieue. Dernière opération de la zone d’aménagement concerté (ZAC) Clichy-Batignolles, « La Métropolitaine » regroupe dans un même ensemble unitaire un programme mixte comprenant 46 logements intermédiaires, 32 logements sociaux, une résidence étudiante du Crous de 150 studios, un Centre d’hébergement d’urgence (CHU) de 40 chambres, une maison de santé et trois commerces en rez-de-chaussée. Face à la tour de 160 m de hauteur du Tribunal, le projet conçu par les agences Ignacio Prego Architectures et Thibaud Babled Architectures se dresse sur une parcelle assez étroite qui s’étire le long de l’avenue de la Porte-de-Clichy, entre le boulevard Bessières et l’avenue du Cimetière-des-Batignolles.

Animée par le jeu toujours changeant des volets mobiles, la façade principale sur l’avenue est rythmée par les porches traversants lumineux et les failles longilignes.

Sur la station de métro

Cette parcelle présente la singularité de se situer intégralement sur le volume enterré de la nouvelle station Porte de Clichy-Tribunal de Paris et celui émergent de son hall d’accès principal s’ouvrant sur le boulevard Bessières. De plus, dans la partie sud du terrain, côté boulevard, la présence des ouvrages souterrains de la ligne 13 du métro, datant de 1900, empêche toute fondation profonde et construction lourde. « Pour profiter de l’ensemble de la parcelle, en particulier de sa partie sud, très contrainte, une combinaison de solutions a été mise en place. Nous nous sommes appuyés sur l’existence à cet endroit d’une voie de circulation poids lourds pour la remplacer par un radier supportant uniquement le volume d’entrée de la résidence étudiante. En revanche, l’ensemble de ses circulations verticales (escaliers et ascenseurs) vient en porte-à-faux sur 6 m environ et ne repose pas sur le radier. Pour ce faire, des voiles en drapeau sont érigés sur toute la hauteur, ainsi qu’une charpente métallique en console, dont une partie est suspendue à une poutre de toiture. Ceci nous a permis, en disposant un certain nombre de studios étudiants sur le boulevard Bessières, d’éviter un effet de pignon et de composer une façade noble sur ce dernier. Ce retournement nous a aussi donné la possibilité de réduire la densité du programme dans la partie linéaire du projet et de développer un ensemble de failles longilignes, de porches traversants lumineux, de découpes dans le volume général », expliquent les architectes.

L’immeuble contribue au lien Paris/banlieue.

Édifice métropolitain

Ils ont conçu un édifice de dimension métropolitaine s’élevant à R+9 en réponse à l’échelle du site et du contexte bâti. L’immeuble présente un front urbain tenu et unitaire, qui se développe sur l’avenue de la Porte-de-Clichy et contribue au lien Paris/banlieue. La façade est rythmée par des failles longitudinales en partie haute et, en partie basse, par les césures de deux grands porches verticaux traversants qui donnent accès aux ascenseurs et cages d’escalier des logements. Baignés de lumière naturelle, ils offrent depuis l’espace public des vues sur l’intérieur de l’îlot et la végétation du parc du lycée Honoré-de-Balzac mitoyen. Ces porches sont sculptés en creux dans l’épaisseur du volume par l’enchaînement continu de parois verticales et horizontales en béton brut sablé de ton pierre. Leur mouvement prolonge la ligne minérale horizontale qui surmonte et souligne le socle du bâtiment composé par les commerces et le hall d’entrée de la station de la ligne 14.

Vue sur la résidence étudiante.

Du premier au dernier étage, de grands volets mobiles en aluminium anodisé habillent la façade. Ils sont vitrés au niveau des loggias des logements et en tôle pleine au niveau de celles des chambres d’étudiants ou des fenêtres du Centre d’hébergement. Ceux-ci pouvant être repliés ou dépliés par chaque habitant à son gré, le bâtiment va présenter sur l’avenue un aspect toujours changeant au fil des heures et des jours. La façade donnant sur l’intérieur de la parcelle décline un registre plus domestique. Elle se compose d’une résille orthogonale en béton sablé ton pierre, dont la trame irrégulière déploie son mouvement sur toute la longueur du projet et abrite des terrasses agrémentées de bacs plantés. 

Du T1 au T4, tous les appartements sont traversants. Une vaste salle commune complète les chambres de la résidence étudiante.

Typologies traversantes

Prenant en compte l’orientation au sud-ouest de la façade sur l’avenue de la Porte-de-Clichy et au nord-est de la façade intérieure vers la cour arborée du lycée, les architectes profitent de la faible épaisseur du bâtiment pour proposer des typologies de logement toutes traversantes. « Du T1 au T5, tous les appartements bénéficient d’une organisation traversante de la pièce de vie séjour/repas/cuisine. Chaque type de logement possède une double orientation et deux prolongements extérieurs, une loggia jardin d’hiver côté avenue et une terrasse couverte côté opposé. Chaque logement traversant s’étire dans l’épaisseur du bâtiment et permet ainsi de ventiler de façon naturelle et très efficace les espaces intérieurs pour favoriser le rafraîchissement nocturne en été. Cela apporte une réponse adaptée et pérenne aux enjeux du réchauffement climatique. Les habitants ont ainsi à leur disposition différentes possibilités d’appropriation des espaces et d’usage, ainsi que des scénarios d’occupation saisonnière multiples », précisent les architectes. Les quatre circulations verticales desservent deux appartements par étage. Du palier, un petit portail métallique donne accès à la terrasse privative située en façade arrière. Depuis ce seuil, où l’on est déjà chez soi, l’entrée dans le logement se fait par la généreuse baie vitrée qui s’ouvre sur la grande pièce traversante allant jusqu’à la loggia sur l’avenue. Cette dernière est aménagée dans l’espace existant entre les deux parois de la façade double peau. En période froide, la fermeture des volets vitrés la transforme en véritable jardin d’hiver, qui bénéficie par son orientation sud-ouest des apports solaires passifs pour réchauffer le logement. En été, l’ouverture des panneaux vitrés est compensée par le déploiement d’un rideau extérieur protégeant des rayons du soleil et de l’échauffement. À l’opposé, la terrasse nord-est propose alors un havre de fraîcheur à utiliser et à habiter. La plupart des studios étudiants possèdent également une loggia qui participe à leur confort.

Chaque terrasse couverte est agrémentée de bacs plantés participant à la végétalisation de la façade.

Les fondations du bâtiment reposent sur 340 boîtes à ressort qui permettent d’éliminer la transmission aux logements des vibrations et des nuisances sonores provoquées par le passage des métros. La structure de l’immeuble, réglée sur une trame de 6 m, est en béton. Elle est portée par une dalle de répartition très fortement ferraillée recouvrant le volume de la gare souterraine et par le réseau de poutres de la couverture du hall d’entrée de la station. Composée de voiles en sous-sol, la structure est de type poteaux/dalles avec bandes noyées dans les étages de logement. Les architectes ont recherché une compacité structurelle qui limite l’utilisation de matière, en réponse aux enjeux actuels de décarbonation.

Qualités environnementales : Certification H&E Profil A, option performance ; Label E+C- : niveau E3C2 ; Biosourcé niveau 1 : 18,7 kg/m2 SDP ; Effinergie Plus et plan Climat de la Ville de Paris.

Côté avenue, les appartements bénéficient aussi d’une loggia jardin d’hiver.

Localiser la réalisation

Reportage photo : © Nicolas Grosmond, © Maxime Delvaux, © Philippe Billard

Fiche technique

  • Maître d’ouvrage : RIVP
  • Aménageur : Paris & métropole Aménagement
  • Maîtres d’œuvre : Ignacio Prego Architectures et Thibaud Babled Architectures
  • BET : Arcadis (structure), VP Green (façades), Éléments Ingénieries (environnement)
  • Paysagiste : Let’s Grow
  • Entreprise générale : Bouygues Bâtiment Île-de-France habitat social
  • Surface : 11 500 m2 SDP
  • Coût : 41,4 M€ HT
  • Programme : 46 logements intermédiaires, 32 sociaux, 150 étudiants, CHU de 40 chambres, maison de santé de 450 m2 SDP, 3 commerces. 

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