AVRIL 2025 -
Auteur

Îlot Fulton, logements sociaux et intermédiaires

Ancré dans la silhouette dansante d’un îlot de logements sociaux avec vue sur la Seine construits par Anne-Françoise Jumeau Architectes, le béton fait l’artiste.

Au cœur du site, plus elle poussera, plus la végétation aura la part belle dans sa partition avec l’architecture, contrastant avec la régularité des percements des façades extérieures qui signe l'image urbaine de l’îlot.

Dans le paysage des bords de Seine du 13e arrondissement de Paris, l’îlot Fulton participe à la mutation d’un quartier de la ZAC Paris Rive Gauche voisin de la gare d’Austerlitz. Borné par les quais et les rues Fulton et de Bellièvre, il réunit du nord au sud trois opérations dont la volumétrie résulte strictement des contraintes géométriques réglementaires de gabarit et de prospect, et des prescriptions urbaines définies par l’agence Brenac & Gonzalez, urbanistes de l’ensemble, qui ont su créer une petite pièce urbaine dense et aérée.

Tête de pont à l’angle de rue, où des commerces sont prévus en rez-de-chaussée.

L’amabilité dans la densité

Au sud, visible de l’avenue de France, l’opération réalisée par Anne-Françoise Jumeau Architectes rassemble deux entités de 9 et 11 étages qui accueillent respectivement 65 logements sociaux et 55 intermédiaires de une à cinq pièces, dont une partie en duplex sur cour et jardin. Du rez-de-chaussée au premier étage, un socle commun habillé de terre cuite émaillée les réunit et donne une échelle piétonne à l’opération. Au cœur du site, où la percée urbaine d’un « canyon » paysager offre un axe de vue vers la Seine, la structure en béton lance l’élan dynamique d’une cascade de balcons et de terrasses de formes variées.

« Tout en favorisant l’ensoleillement et les vues vers la Seine et le quartier, la silhouette à facettes des deux émergences réduit les impacts visuels entre elles. Ces effets de biseau dessinent la saillie des balcons et des terrasses qui prolongent chaque appartement par un espace extérieur. Ces formes complexes sont le vecteur d’une richesse typologique dans la répartition et l’organisation de ces logements dont la majorité bénéficie d’une double ou d’une triple orientation et d’un prolongement extérieur », explique l’architecte.

Sobres dans leur écriture, soignés dans les détails, les bâtiments viennent à l’aplomb des rues.

Partout, des effets de plis, de courbes et contre-courbes créent des vibrations.

Une palette de matériaux et de matières

Dans cet alignement, les façades plates en béton enduit de teinte claire rappellent l’aspect des immeubles traditionnels en pierre de Paris. Elles sont percées de deux types de baies dont le rythme et le format répétitifs reflètent l’organisation intérieure des volumes. Par contraste, les façades du cœur d’îlot, plus expressives et largement vitrées, mêlent à l’urbanité le clin d’œil balnéaire des balcons filants « plissés ». Scandés par la peau d’aluminium doré de trumeaux réguliers, ils ondulent au rythme de l’effet cinétique de leurs garde-corps et donnent à cet ensemble une atmosphère joyeuse.

Largement planté d’arbres de haute tige en pleine terre, le cœur d’îlot compose un cadre végétal autour duquel les plateaux des bâtiments s’ouvrent en gradins, décalés les uns par rapport aux autres. Essentielle pour le cadre de vie et l’îlot de fraîcheur qu’elle apporte dans la densité du quartier, la végétation anime ce paysage qui prend vie dès ce jardin central où le massif arbustif met en scène l’architecture. 

En accord avec la géométrie née des règles définies par les urbanistes de l’îlot, l’émergence des dalles en béton crée une grande diversité dans les prolongements extérieurs offerts aux logements.

Cet univers de plantations colonise chaque espace disponible, créant de multiples jardins suspendus qui profitent à tous les étages au plaisir des yeux des habitants. Quand le matériau béton se mêle harmonieusement au feuillage, aux enduits, aux reliefs triangulaires de la terre cuite émaillée du socle, à l’aluminium des menuiseries et aux stores de couleur bronze, des effets texturés ou lisses accrochent la lumière.

C’est aussi pour sa pérennité, ses performances acoustiques et sa forte inertie thermique que le béton armé s’imposait en structure. Dans ce bâtiment isolé par l’extérieur, les parois intérieures lourdes conservent la chaleur l’hiver et la fraîcheur l’été. Cette disposition règle le traitement des ponts thermiques par l’emploi associé de rupteurs au niveau des balcons. L’isolant en laine minérale, dont l’épaisseur égale celle des voiles de façade (160 mm), est recouvert selon les niveaux du bardage en terre cuite ou d’enduit. Le chauffage et l’eau chaude sanitaire sont raccordés au chauffage urbain alimenté pour moitié par des énergies renouvelables et de récupération. En complément, un système de récupération de chaleur sur les eaux usées par pompe à chaleur permet de préchauffer l’eau chaude et de réduire les besoins énergétiques. La géométrie des immeubles et leur compacité, le traitement de l’enveloppe et les procédés constructifs sont aussi un gage d’efficience énergétique.

À l’intérieur de ces appartements largement vitrés, les habitants profitent de la lumière et des vues.

Dans les halls, les méandres du « Marbre de Fulton »

Les deux halls lumineux à la volumétrie généreuse qui desservent les deux têtes de pont de l’opération s’immiscent dans la profondeur de l’îlot. En réponse au plan de prévention des risques d’inondation (PPRI), ils sont légèrement surélevés par rapport à la rue. Ouverts vers le jardin, ils contribuent d’autant plus à l’agrément du cadre de vie des habitants que leur sol est paré du « Marbre de Fulton », une sculpture horizontale du plasticien Stefan Shankland. Cette œuvre d’art intégrée d’emblée à l’architecture est née d’une demande de la maîtrise d’ouvrage ICF Habitat La Sablière. Cette dernière tenait à garder au sein de cet îlot la mémoire des anciens bâtiments de la « cité Fulton » démolis, construits par l’architecte Daniel Michelin dans les années 1950. Le Marbre de Fulton reprend en les adaptant les principes du « Marbre d’ici ». Ce protocole artistique développé par Stefan Shankland au début des années 2010 permet de produire un béton de site ornemental en recyclant les gravats de démolitions d’immeubles, triés par nature et par couleur, concassés et tamisés. Mélangés à un liant hydraulique et à de l’eau, malaxés et coulés en strates ou en marbrures, ces déchets de chantier sont transformés en un nouveau matériau à haute valeur ajoutée esthétique, écologique et patrimoniale.

Dans les halls partiellement surélevés, le « Marbre de Fulton ».

Celui des halls de l’îlot Fulton a été réalisé avec des gravats glanés lors de démolitions sur la ZAC Paris Rive Gauche et issus d’une récupération méthodique des déchets de chantier des immeubles Fulton. Briques rouges, dalles en béton gris et éléments de façade en céramique blanche ont été concassés puis intégrés au coulage de la chape de béton liquide au sol. Les effets de marbrures sont obtenus par le mélange manuel des différentes strates de bétons colorés. Et l’artiste de préciser : « Les motifs au sol évoquent tour à tour les méandres d’un fleuve, la vue aérienne d’un territoire liquide, des strates géologiques en formation, des vortex charriant des débris, un magma de particules cosmiques... Ces formes et ces images renvoient à la Seine et à ses crues, mais aussi aux transformations du paysage francilien façonné au cours des ères géologiques par l’accumulation de strates de sédiments, par l’érosion glaciaire et par l’action humaine. »

Qualités environnementales : Certifiée H&E profil A option Performance conformément au plan Climat de la Ville de Paris, avec un niveau de performance équivalent à Effinergie+, soit RT 2012 - 10 %. 

Localiser la réalisation

Reportage photo : © Luc Boegly, © Margaret Dearing

Fiche technique

  • Maître d’ouvrage : ICF Habitat La Sablière
  • Maîtres d’œuvre : Anne-Françoise Jumeau Architectes / AFJA / Périphériques ; Maud Armagnac et Stéphane Raza, chefs de projet
  • BET : Sibat (TCE et HQE®)
  • Paysagiste : Let’s Grow
  • Artiste : Stefan Shankland
  • Entreprise générale : Bouygues Bâtiment Île-de-France
  • Entreprise Marbre de Fulton : EFCAT sols béton
  • Surface : 8 232 m2 SDP
  • Coût : 21 M€ HT
  • Programme : 65 logements sociaux et 55 intermédiaires, 2 commerces, parking.

Commentaires 0

Aucun commentaire disponible.

Laisser un commentaire

CAPTCHA