JUIN 2025 -
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Casa Bendico, une architecture tellurique

Posée simplement dans un paysage de collines au sud de Syracuse, la Casa Bendico, bioclimatique assurément, s’unit à la terre.

Implantée dans la pente du terrain, la Casa Bendico, enveloppée de sa double coque en béton banché, se fond dans le paysage.

Pour l’architecte Gaëtan Le Penhuel, construire dans les douces collines du Val di Noto impliquait de concevoir une bâtisse qui se fonde dans le paysage sans jamais le dominer : « Je voulais que la maison reste à hauteur d’arbre et qu’elle ne se détache pas dans le ciel », résume-t-il. Une intention qui se traduit par le choix d’une implantation dans la pente – et non sur une hauteur – et d’une architecture dont la simplicité formelle, monolithique, s’accompagne d’un matériau minéral – du béton de pouzzolane.

Son architecture s’inspire des fermes locales.

Au diapason du lieu

Sur les 4 ha de la parcelle, conformément à l’obligation de ne pas dépasser le gabarit d’un rez-de-chaussée, deux constructions avoisinantes de plain-pied – une maison principale de 250 m2 et une annexe de 50 m2, à la fois studio, ou bureau, et remise – se fondent au milieu des oliviers et des amandiers, cultures dominantes de cette région agricole. À distance des habitations, afin de ne pas en troubler le calme et la vue, une piscine s’inscrit dans le sol.

Protégée par une tonnelle légère reposant sur des piliers massifs, une profonde pergola étend les pièces de vie sur toute la longueur de la façade sud-est.

Inspirée des fermes locales, avec en arrière-pensée l’image d’un temple grec, l’architecture tire ici sa force de sa matérialité et des volumes qu’elle dessine en réponse aux contraintes du lieu. Le sud-est de la Sicile est marqué par une forte instabilité sismique due à la convergence des plaques africaine et eurasiatique. À la même latitude qu’Alger et Tunis, il connaît des températures estivales supérieures à 40 degrés, des températures que l’on observe aussi en France et qui se font plus fréquentes. Corollaire de la chaleur et de la sécheresse qui l’accompagne, les incendies y sont fréquents : à ce titre, l’entretien des parcelles est essentiel. Le choix d’un béton bas carbone comme matériau principal de construction est ainsi rapidement apparu comme le plus pertinent, d’autant qu’il permettait de s’appuyer sur les savoir-faire locaux et la présence sur l’île d’entreprises qualifiées de maçons et de coffreurs, ici deux métiers distincts. Grâce à l’introduction dans sa composition de la pouzzolane rouge et brune de l’Etna tout proche – qui remplace une partie du sable –, sa teinte se rapproche de celle de la terre des collines.

Une double coque en béton de pouzzolane

Selon une solution traditionnelle en zone sismique, la maison est construite sur un radier posé sur un lit de cailloux petits, moyens et gros. La dalle de béton est coulée sur des coques semi-sphériques, des « igloos », une technique sicilienne de vide sanitaire qui permet aussi d’économiser de la matière. Une double coque en béton banché enveloppe tout le volume de la maison principale (la structure de l’annexe est simple). Elle est composée d’une coque intérieure de 22 cm, d’un isolant de 20 cm et d’une coque extérieure de 18 cm : un complexe de 60 cm au total, qui atteint 90 cm sur les pignons, dont la mise en œuvre artisanale a été réalisée de manière progressive, en commençant par le coulage du mur intérieur. Dans la grande pièce commune, la cheminée du même béton s’élève jusqu’au plafond, assurant un point d’appui intermédiaire pour soutenir la portée de 10 m et soulager la voûte. La marque dans le béton du coffrage horizontal est laissée apparente à l’intérieur comme à l’extérieur de la coque ainsi que sur les murs de refend : « Je voulais un béton planchettes, un béton très tellurique, qui montre la main de l’homme », précise l’architecte, soulignant au passage la qualité du travail des artisans.

À la forte inertie du matériau s’ajoute un circuit d’air relié à un puits thermique assurant une ventilation continue, renforcée si besoin dans les chambres par des brasseurs d’air. La façade sud-est, dont les larges baies vitrées cadrent la vue lointaine vers la mer, est protégée sur toute sa longueur par une grande ombrière qui couvre la pergola : une pièce extérieure de 120 m2 dans le prolongement du séjour et des chambres. Pour se protéger d’un ensoleillement direct comme des intrusions, des doubles grilles en moucharabieh coulissent devant les baies vitrées, dessinant des ombres géométriques. Des volets coulissants réalisés avec les planches du coffrage et des rideaux de jute assurent l’obscurité. L’ensemble de ces dispositifs, imaginé par l’équipe de conception française et mis en œuvre par l’équipe de réalisation italienne, concoure au confort d’été comme d’hiver.

L’énergie nécessaire au fonctionnement de la maison est produite sur place par des panneaux solaires et photovoltaïques disposés sur le terrain, ainsi qu’une pompe à chaleur qui permet de chauffer par le sol en hiver quand la température chute brutalement en fin de journée et que l’humidité se fait sentir.

Fluidité des espaces

Entièrement traversante, la maison profite des quatre orientations. Entre le vaste séjour et la chambre principale, un couloir dessert les deux autres chambres d’un côté, les salles d’eau et le dressing de l’autre, figurant un axe central longitudinal qui s’ouvre à chaque extrémité sur le dehors. Le séjour bénéficie en plus d’un accès direct au grand patio d’entrée et, à l’opposé, à la pergola. Protégés de hauts murs faits du même béton planchettes, les patios qui longent la façade nord-ouest offrent des espaces supplémentaires dont l’occupation varie avec les saisons. Ces pièces à ciel ouvert abritent un coin cuisine et repas à l’abri du vent au soleil d’hiver, une douche baignée du soleil d’été ou sous un ciel étoilé, où le linge peut sécher. Autant d’expériences sensorielles auxquelles la maison semble inviter.

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Reportage photo : © Sergio Grazia

Fiche technique

  • Maîtrise d’ouvrage : privée
  • Maîtrise d’œuvre : Gaëtan Le Penhuel architectes et associés ; 18 Lab (exécution)
  • BE : Arest (structure) ; Albert et Compagnie (BE environnemental et technique) ; Giorgio Linguanti (ingénieur structure exécution)
  • Entreprises : Carmelo Cerruto (maçonnerie) ; Rafael Migliore (coffrage)
  • Surface : 300 m2 sdp
  • Programme : une maison principale de trois chambres et une annexe studio ou bureau + remise.

Prix spécial du jury du Grand Prix Architectes français à l’export (AFEX) 2025.

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